Le programme Dyal CONNECT
Approches et démarches
Un projet interdisciplinaire et multi-partenarial de recherche action
Acteurs professionnels et chercheurs partagent leurs expériences, leurs informations et leurs attentes sur le rôle et la place du numérique dans la valorisation des produits alimentaires locaux. Un travail collaboratif est mis en place dans le cadre de comités de pilotage, de co-encadrement de stages, de séminaires de restitution des travaux. Cette dynamique permet de produire des résultats scientifiques, mais aussi de renforcer les connaissances des acteurs concernés par ces questions.
Dyal CONNECT
Le rendez vous de l’alimentaire avec le e-commerce
En 2019, l’e-commerce alimentaire représentait seulement 6,6% des achats du quotidien réalisés en ligne (Les Echos, 23/04/2019). Si ce chiffre progresse, il tarde à rattraper les performances des autres secteurs tels que les produits culturels (48%) et le tourisme (44%). Malgré les efforts d’innovation et d’originalité que les enseignes mettent en œuvre pour séduire les acheteurs, l’e-commerce semble avoir encore du mal à pénétrer le marché de l’alimentaire. Cela est encore plus vrai pour les produits alimentaires locaux. Si de nombreuses modalités de vente en ligne voient régulièrement le jour, associées ou non à un magasin physique (drive fermiers, casiers de retraits, box, abonnements, livraisons, etc…), les lieux d’achat les plus fréquentés par les consommateurs français restent dans une très large mesure les circuits traditionnels (baromètre Dyal Connect publié le 22 avril 2020), et plus particulièrement les marchés. La vente en ligne n’offre en effet pas la possibilité de toucher ou de sentir le produit (Bleier, Harmeling et Palmatier, 2019; Santos et Gonçalves, 2019). Éléments qui restent essentiels pour le choix des produits alimentaires locaux dont les qualités sensorielles sont fréquemment mentionnées comme critère d’achat (Autio & al., 2013 ; Reich & al., 2018).
Des produits locaux qui ont le vent en poupe
Dans le même temps, d’après l’étude menée en 2017 par l’observatoire MesCoursespourlaPlanete, 86 % des Français pensent que consommer local peut être une réponse aux enjeux sociaux actuels (LSA, 2017). Le Baromètre Dyal CONNECT mené en juillet 2019 démontre par ailleurs que 94% des consommateurs sont acheteurs de produits locaux, et 43% en achètent au moins une fois par semaine.
Les acteurs de la grande distribution et les coopératives étoffent quant à eux leur offre. Ils valorisent les produits locaux via leur propre marque au sein des super et hypermarchés (Les alliances locales chez Leclerc, Les produits D’ici chez Casino, etc..). La coopérative de commerçants E.Leclerc lance en novembre 2017 un concept store de produits locaux à Angoulême, avec la perspective de le diffuser au niveau national. Des enseignes spécialisées voient le jour (O’tera du Sart, Frais d’ici). À l’échelle européenne, la période 2014-2020 est la première qui voit la Politique Agricole Commune (PAC) se concentrer sur la réduction des chaînes d’approvisionnement. Les producteurs peuvent également bénéficier depuis plusieurs années maintenant du soutien du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (Feader) pour mettre en place des programmes de développement des circuits courts.
Le territoire de la Nouvelle-Aquitaine est lui aussi très largement concerné par ce mouvement. En effet la filière alimentaire est la première filière en termes économiques de la région. Des projets de plus en plus nombreux associant agriculture-alimentation-proximité voient le jour depuis quelques années, tantôt portés par des agriculteurs, tantôt portés par des consommateurs, tantôt encore portés par des collectivités locales ou des territoires de projets (PNR, Pays…). Issue des États Généraux de l’alimentation, une plateforme de mise en relation des producteurs et des consommateurs en recherche de produits locaux a d’ailleurs vu le jour en mars 2020.
L’arrivée du numérique : une opportunité pour les producteurs locaux de petite taille
Dans ces projets il convient de remarquer que la question de la place du numérique est encore aujourd’hui peu présente. Il existe pourtant des enjeux importants autour de ces questions, tant du point de vue des bouleversements des modes de distribution induits par l’arrivée du numérique que de l’opportunité que cela ouvre pour les producteurs locaux.
Les producteurs semblent en effet avoir une carte à jouer dans le développement de la distribution alimentaire connectée. C’est ce que montrait déjà en 2015 un sondage BVA/Alimavenir pour Les entretiens de Rungis (2015), qui indiquait que parmi les modalités d’e-commerce dans l’alimentaire, l’achat direct sur les sites de producteurs est celui le plus plébiscité par les Français (68 %), en permettant de rendre l’offre locale plus visible, plus accessible. 25% des non acheteurs déclaraient vouloir expérimenter ce type de circuit alors que leur taux de pénétration est de 14% (Obsoco, 2017). C’était une perspective également défendue par les professionnels de la distribution qui étaient près des trois-quarts à penser que les modalités de distribution amenées à se développer ces 10 prochaines années seraient les sites de producteurs (Laisney, 2015).
La crise du COVID 2019
Avec la mise en place du confinement en mars 2020 en France liée au Covid-19, les consommateurs se sont vus obligés de restreindre très fortement leurs déplacements et de limiter leurs achats au strict nécessaire. Les modes d’approvisionnement ont été perturbés avec une adoption forte du drive et de la livraison à domicile (Le Monde, 25/03/2020). Avec la fermeture de nombreux marchés, de plus en plus d’acheteurs de produits locaux se sont tournés vers les circuits digitalisés, auparavant délaissés. Le réseau de la Ruche Qui dit Oui a par exemple été directement impacté et a vu ses commandes en ligne exploser : les deux Ruches situées à Nantes, sont passées de leurs 30 commandes hebdomadaires, à plus de 100 commandes chacune! Le réseau à portée de Bio à Bordeaux a vu son nombre de paniers se multiplier par 8 passant de 100 commandes hebdomadaires à 800.
Du coté des producteurs, certains encore rétifs à l’utilisation du numérique, même basique (mail, SMS, par exemple), ont dû s’y mettre, pour répondre à cet afflux de demande ou pour compenser la fermeture de leur(s) circuit(s) de vente habituel (e.g. marchés de plein air) ou leur baisse d’affluence (e.g. vente à la ferme). De la page Facebook à la mise en place de sites vitrines ou marchands ou bien la création d’une simple adresse mail, de nombreuses initiatives ont vu le jour, avec comme facteur déclenchant, cette crise sanitaire.
Cette crise vient questionner fortement les pratiques d’approvisionnement des ménages en produits alimentaires et notamment en produits locaux et les modes de commercialisation directe des producteurs sur les territoires.
Au-delà des constats sur les pratiques et dispositifs mis en place pendant le confinement, la question se pose de l’après crise. Quelle place pour les produits locaux dans le panier des ménages? Quel rôle du numérique dans ces approvisionnements sur notre territoire? Et plus particulièrement dans le cadre des circuits courts?
Le cadre de la recherche
L’examen de la littérature révèle que si l’usage des outils numériques et leurs conséquences sur les parcours d’achat est largement évoqué, les connaissances restent relativement limitées dans le domaine alimentaire. Peu est dit sur les manières de faire déployées par l’individu pour se saisir des ressources numériques, se les approprier et les intégrer à ses pratiques d’achat, encore moins en ce qui concerne les produits alimentaires locaux.
Ce phénomène de changement induit par le numérique dans les pratiques de consommation a été étudié initialement dans le domaine culturel, notamment la dématérialisation de la musique et défini par le terme de « numérimorphose » (Granjon et Combes, 2007). Il a récemment été utilisé pour tenter de comprendre comment le numérique venait à transformer les courses ordinaires (achats alimentaires et ménagers) (Comino, 2017). Nous nous proposons de questionner la réalité de cette numérimorphose dans le cadre des produits alimentaires locaux.
Le cadre de la recherche est donc limité aux produits locaux, c’est-à-dire commercialisés dans un espace de 100 km (Merle et Piotrowski, 2012) qu’ils soient des produits issus de la terre ou de la mer. Les enjeux du projet DYAL Connect concernent donc les producteurs dans leur diversité, et les objectifs du projet sont donc de répondre à leurs questionnements :
Apporter des éclairages concrets et appliqués sur les usages et les bouleversements induits par l’introduction des outils numériques dans les achats des produits alimentaires locaux.
Objectiver la connaissance sur les conditions d’émergence de ces outils, de leur développement, d’enrichir l’analyse sur les conditions de leur essaimage, et de leur appropriation par les acteurs.
Réaliser des actions concrètes sur les terrains observés au sein des différentes initiatives explorées.